Budapest, Marxim bar |
Et j’attends. Toujours. Je ne parle pas forcément
de toi, j’attends simplement. J’attends que ça se passe. Ou que ça passe. Que
mes pensées se matérialisent et que mes regrets disparaissent. Mais c’est trop
douloureux d’attendre, encore plus quand on sait éperdument qu’on ne trouvera
rien à la sortie de ce gouffre d’attente. Rien. Rien ne se passera. Et les
regrets persisteront aussi longtemps que je survivrais. Alors je m’occupe. Pour
combler cette attente et satisfaire mon impatience. Je fais passer mon temps
aussi vite que je le peux. Mais le temps sait se faire long. Spécialement après
qu’on l’ait fait passer pour un rapide. Comme une vengeance. Il s’arrête. Et
là, nous avons l’éternité pour y repenser. Pire que tout, on se surprend à
vouloir cette trêve qui ne manque jamais de nous achever un peu plus. On se
fabrique des instants vides. Vides d’activités, et par conséquent, remplis de
pensées malsaines. Juste pour rattraper le temps perdu à vouloir y échapper.
Comme si nous ressentions le sincère besoin de nous faire du mal de la sorte.
Je m’isole, je marche, je lis, je peins, j’attends. Mon âme fait des vas et
vient dans mon corps et j’oublies qui je suis. Une fois fait, je me rappelle
que je ne veux pas que les autres l’oubli. Et qu’ils le font néanmoins de toute
évidence. Idée difficile à encaisser, alors je fais tout pour me convaincre de
sa vérité, que je pourrait naturellement mieux accepter qu’un présumé mensonge.
Alors je tends des perches, rien que pour voir qu’on ne les saisit pas.
J’essaye de me perdre, pour remarquer qu’on ne me cherche pas. Je t’ignore,
pour voir que tu ne le remarques même pas. Je suis tes regards, pour
m’apercevoir qu’ils ne croisent jamais les miens. Et tout se confirme, tout se
clarifie. Et plus je prend conscience de cette vérité, plus je m'aperçois que
j'aurais souhaité ne jamais la connaître.